‘‘Frapper l'épopée’’ d'Alice Zeniter

La romancière, dont le livre ‘‘L'art de perdre’’ avait été couronné en 2017 du Goncourt des lycéens et du Prix littéraire du Monde, nous emmène en Nouvelle-Calédonie pour y explorer une nouvelle fois les ressorts du colonialisme.

Qu'Alice Zeniter écrive sur la Nouvelle-Calédonie peut surprendre a priori. Mais cela apparaît vite assez logique à la lecture de son ouvrage : « La première fois que j'y suis allée en 2019, j'ai découvert qu'il y avait sur le territoire la descendance des forçats algériens du bagne qui avaient été envoyés là-bas pendant la deuxième moitié du XIXe siècle (...) et en me plongeant dans cette histoire, je me suis aperçue qu'il s'agit de familles qui viennent de villages juste à côté de celui de ma propre famille. Et donc ce bout du monde, finalement, il m'est devenu presque familier et familial en deux jours. »

Dans Frapper l'épopée, Alice Zeniter interroge le passé pénitentiaire de l'archipel et les rapports colonialistes grâce à son héroïne Tass, une prof d'histoire intriguée par deux de ses élèves, des jumeaux qui se rapprochent d'un groupe indépendantiste qui prône l'empathie violente. « J'avais envie de mettre en avant des manières de militer kanak qui ne soient pas les barrages et les tirs avec les armes à feu comme on le voit aux infos. Je voulais m'approcher de quelque chose qui rende hommage à ce qu'avait pu faire Jean-Marie Tjibaou, le leader indépendantiste dans les années 80. C'est-à-dire réfléchir aux émotions, aux questions d'amour, de haine, de pardon (...). Et donc l'empathie violente, c'est l'idée de venir éroder l'évidence du sentiment d'être maître et propriétaire quand on est chez soi. »

Avec Frapper l'épopée paru chez Flammarion, Alice Zeniter nous propose de partir à la rencontre d'un bout de France dont on ne sait rien, de ses fantômes, de ses combattants et de sa poésie. Elle signe un roman politique et brillant.