‘‘La guerre par d'autres moyens’’ de Karine Tuil

La romancière, Prix Goncourt des lycéens en 2019, publie un roman choral sur les coulisses du pouvoir, de la politique et du cinéma. Elle y dresse un portrait sans concession de notre époque, entre violence sociale, dépendances, quête de sens et combat féministe.

« J’ai connu ce que la vie offre de plus intense, que puis-je en espérer à présent ? », se demande l'un des personnages du livre, Dan Lehman, un ancien président de la république, devenu l'ombre de lui-même depuis qu'il a quitté le pouvoir. C'est précisément ce thème que voulait explorer Karine Tuil. « Il me semblait qu'on parlait très souvent du pouvoir, de l'exercice de l'État, mais très rarement de ce qu'il se passe quand on n’a plus le pouvoir », raconte-t-elle.

Et ne lui demandez pas qui a pu lui servir de source d'inspiration, elle ne répondra pas. Ce roman est en elle depuis une vingtaine d'années. Ce qui explique peut-être sa férocité. La rage de la romancière est particulièrement jouissive pour le lecteur.

Dan Lehman, ancien chef d'état, devient dans les pages de Karine Tuil alcoolique. « Cet homme n’est plus rien face à une bouteille », commente l'autrice, fascinée par « la vulnérabilité » que cela introduit chez un homme incarnant autrefois autorité et pouvoir. En écho, répondent les fragilités des autres personnages : une épouse comédienne obsédée par son image, une ex-femme romancière qui lutte contre le déclassement, et un fille féministe engagée dans la construction d'une société post #metoo. Et chacun fait comme il peut pour garder la tête hors de l'eau : « C'est aussi un roman sur la difficulté de trouver sa place dans une société toujours plus compétitive. »

‘‘La guerre par d’autres moyens’’, publié chez Gallimard, est sans doute l'un des grands romans de ce printemps, avec des hommes politiques, des stars de cinéma, du sexe, de l’alcool, des coups bas et aussi parfois un peu d’amour et de tendresse. C’est un condensé de notre monde et ça décoiffe.